[2017] Subjectivité, corporéité et objets connectés

Subjectivité, corporéité et objets connectés
Regards croisés sur le design et les devenirs de l’interaction

Séminaire interdisciplinaire organisé par
Chaire « Valeurs et politiques des informations personnelles » - IMT
LASCO IdeaLab de l’IMT
Équipe ETHOS de Télécom École de Management
École Supérieure d’Art et de Design (ESAD) de Reims

Responsables
Armen Khatchatourov - Isabelle Queval - Olaf Avenati - Pierre-Antoine Chardel

Mardi à 16h30
24 janvier 2017, 7 mars 2017, 25 avril 2017, 23 mai 2017, 13 juin 2017

Lieu : Institut Mines-Télécom, site de Télécom ParisTech - 46, rue Barrault, Paris 13

Le développement actuel des « objets connectés » et de l'« Internet of Everything » (de la brosse à dents connectée au compteur électrique dit « intelligent »), soulève la question de leurs influences sur le corps – que celui-là soit compris comme un ensemble d’attitudes sensorimotrices, comme le sentiment intime d’être soi, ou comme le siège même de la subjectivité. En effet, loin d’être de simples « prolongements » du corps ou des « interfaces », ces objets inscrivent les corps dans des circuits complexes de données et d'interactions, et structurent par là même notre être-au-monde.

Nourri par les regards croisés de théoriciens et de praticiens, en faisant appel à la philosophie, à la sociologie, au design et à l’art, le séminaire se donnera pour tâche d’étudier les modes d’interaction spécifiques et les flux des données personnelles que ces objets induisent, et le rôle que leur design sera amené à avoir dans la construction de nos subjectivités individuelles et collectives.

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Un enjeu de ce séminaire a consisté à interroger l’influence des technologies contemporaines et des formes qu’elles adoptent sur l’émergence et l’évolution des subjectivités. Nous entendons ici par subjectivité non pas une entité d’emblée autonome, mais le résultat provisoire et fragile de construction de soi, de négociation de ses propres frontières, dans un jeu complexe d’interaction avec les effets de structure induits par les technologies numériques.

Le numérique apporte des changements radicaux dans ce processus. On sait notamment que les algorithmes, basés sur le traitement en temps réel de grandes masses de données, analysent les traces numériques laissées par les utilisateurs et construisent leurs profils de comportement, profils affinés continuellement à chaque action suivante de l’utilisateur. Le profilage apparaît ainsi comme une boucle de rétroaction qui s’auto-renforce, conduisant à des comportements répétés et à la réduction de « l’espace de jeu » dans lequel les subjectivités peuvent se construire.

En implémentant cette tendance dans le réseau d’objets physiques connectés, l’avènement de l’Internet des objets place ce problème à un autre niveau : il ne s’agit plus simplement des actions au moyen de l’interface graphique ou tangible, ni seulement des comportements en ligne, mais aussi des attitudes et habitudes sensori-motrices du corps tout entier. Dans le Quantified Self par exemple, la boucle de rétroaction va des données traitées algorithmiquement aux effets sur le corps vécu. Ce que les données « donnent » à voir ou à toucher est ainsi incorporé, et le répertoire des comportements sensori-moteurs est alors transformé, sinon diminué. À son tour, cela n’est pas sans conséquences sur la manière dont les subjectivités, pour autant qu’elles sont enracinées dans l’expérience corporelle, émergent et évoluent. Se pose alors la question du design de ces objets connectés, de la « disparition » éventuelle de l’interface au profit d’autres modalités d’interaction avec les utilisateurs, et des effets que ces technologies peuvent avoir sur la subjectivation.

En même temps, ce développement technologique est aujourd’hui accompagné par un discours glorifiant l’innovation et les nouvelles capacités pour les humains connectés, dans les domaines de l’humain augmenté, de wearable computing et de l’Internet des objets.

Nourri par les regards croisés de théoriciens et de praticiens, le séminaire se donnera entre autres pour tâche d’explorer cette dichotomie, en cherchant à comprendre la place de ces technologies dans le continuum entre leurs effets structurants et les « nouvelles capacités » dont elles sont éventuellement porteuses.

¬ DÉROULEMENT

Mardi 16h30 – 18h30

24 janvier 2017
Hélène Jeannin (Orange Labs). Corps technologisé et corps business : acteurs et nouvelles représentations du corps et de soi.
Béatrice Lartigue (Studio Lab212). Repères et déplacements. Les expériences sensibles de la technologie.

7 mars 2017
Fabienne Martin-Juchat et Thierry Menissier (Université Grenoble - Alpes). Les usages technologiques collectifs et l'improvisation corporelle
Samuel Bianchini (EnsAD). Stimuler des contre-rôles : des expériences esthétiques réflexives pour interroger nos conditions socio-techniques actuelles et à venir.

25 avril 2017
Christian Licoppe (Télécom ParisTech). Réflexions autour du Quantified Self.
Nicolas Nova (HEAD-Genève). À l'attention des machines : représenter les subjectivités machiniques ?

23 mai 2017
Olivier Peyricot (Cité de Design St-Etienne). Une épiphanie connectée : zombies, scanners et véhicules autonomes
Serge Tisseron (Université Paris VII). Les objets au cœur de nos économies affectives

13 juin 2017
Franck Cormerais (Université Bordeaux 3). De l'économie de l'attention à l'économie de l'intention. Vers un nouveau régime de l'engagement ou la servitude involontaire
Eric Dagiral (U. Paris-Descartes). La politique des petits nombres ? La quantification du soi entre exploration individuelle et expérimentation collective

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Ce séminaire était inscrit dans le prolongement du programme de recherche Formes, Technologies, Société. Design et quête de sens conjointement organisé par l’ESAD de Reims et l’Institut Mines-Télécom.

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