Communiqué de presse du 31 mars 2021

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« Au début est la confiance »

Le webinaire a mis la notion de confiance en perspective avec l’instauration du nouveau marché unique
des données à l’échelle européenne et la régulation en cours d'évolution.

La Chaire Valeurs et Politiques des Informations Personnelles (VP-IP) de l’Institut Mines-Télécom a exploré une notion centrale de notre société numérique : la confiance. Mark Hunyadi, Professeur de philosophie morale et politique à l’Université Catholique de Louvain et associé de la Chaire VP-IP est l’auteur du livre : « Au début est la confiance ». Lors d’un webinaire organisé le 11 mars, il a présenté sa théorie unifiée de la confiance que les professeurs de la Chaire ont ensuite confrontée avec des cas d’application. La confiance conditionne la relation des individus au monde et à ce qui le compose, les objets, les institutions, les plateformes numériques.


La théorie de la confiance unifiée

La confiance est relation au monde, car rien ne peut être fait sans qu’on ne s’attende à ce que les choses se passent d’une certaine manière. Elle se définit donc fondamentalement comme pari sur les attentes de comportement – comportement d’autrui lorsque j’agis avec des personnes, comportement des choses ou des institutions lorsque je suis en relation avec elles. Une même structure générale se décline différemment sur chaque cas particulier.

Or, le numérique devient de plus en plus la médiation obligée avec le monde (choses, personnes, institutions). Ainsi, avec le numérique, nous avons de moins en moins de relations directes et naturelles les uns avec les autres : il faut d’abord passer par ce que la technique nous impose. Par exemple, pour réussir une procédure d’authentification on se soumet aux attentes de comportements imposées par la technique qui devient alors progressivement un substitut aux relations naturelles avec le monde. On se doit donc désormais de passer par la case technique quasiment les yeux fermés, et si notre avis nous est demandé c’est après 127 pages de conditions d’utilisation, que l’on nous propose si gentiment d’accepter sans les avoir lues, ni comprises.

La confiance dans le système numérique

Ainsi la confiance se reporte tendanciellement sur le système lui-même qui doit en donner des indices à l’utilisateur. Pour se voir rassuré, l’utilisateur se tourne vers des tiers de confiance classiques ou des dispositifs reposant sur l’évaluation par d’autres personnes ou encore la Blockchain. Dans ce sens, le monde numérique dessine l’idéal d’un monde purement fonctionnel, donc d’un monde qui est appelé à remplir sa fonction sans que les acteurs aient à se faire confiance les uns aux autres. « Nous sommes dans un monde cockpit, une société en pilotage automatique, c’est l’horizon de sens de ce monde sans confiance » souligne Mark Hunyadi. La confiance se mue silencieusement en sécurité, parce que les attentes sont figées dans le calcul. Chacun y trouve son compte, parce que son cockpit est profilé sur mesure.

La sécurité des réseaux

Dans ce monde dominé par les plateformes, le sujet libidinal (qui cherche sa satisfaction dans tous les domaines de son expérience) est livré aux dispositifs techniques qui, simplement, exécutent ses désirs et ses volontés. Le système est conçu de manière à ce que son utilisateur, guidé par ses propres désirs et volontés, clique le plus vite possible, sans exercer ses capacités de jugement.

Dans cet environnement numérique, la confiance, rabattue sur une prétendue sécurité, s’établit selon différents critères comme par exemple la réputation. Les systèmes distribués tablent sur la transitivité de la confiance : A fait confiance à B qui fait confiance à C ; donc A fait confiance à C, dans une chaîne qui peut être beaucoup plus longue. Concrètement, il s’agit par exemple d’utiliser Facebook Connect pour s’identifier sur un ou plusieurs autres services.

Paradoxalement, plus le système est sûr, moins il a besoin de confiance. La sécurité informatique en vient à se substituer à la confiance. Une fois confiance faite au système, celui-ci prend en charge la sécurité des interactions entre utilisateurs qui n’ont plus besoin de passer par la case confiance.

Absence de définition

La notion de confiance est omniprésente dans les textes juridiques (loi pour la confiance et la modernisation de l’État en 2005, loi pour une école de confiance en 2009, …) sans toutefois faire l’objet d’une définition stricte. C’est une notion fonctionnelle dont la signification est sensée être partagée par tous. Le législateur et le juge disposent ainsi d’une certaine souplesse d’action en ne la définissant pas. La confiance n’est pas uniquement interpersonnelle ; elle est valable aussi pour les institutions ou les objets, c’est une valeur directrice dans nos sociétés. Ne parle-t-on pas d’une « intelligence artificielle » digne de confiance ou de « la confiance dans le marché » ?

A l’échelle européenne

La question de la confiance vient alimenter de nombreux textes lui donnant une valeur forte : sans confiance, pas d’économie de marché – la confiance va au-delà de l’assurance contractuelle de la bonne exécution d’un contrat. Par exemple, dans le considérant 7 du RGPD « il importe de susciter la confiance qui permettra à l’économie numérique de se développer ».

L’actualité règlementaire (les récentes propositions de règlements de la Commission européenne) autour du partage et de la gouvernance de la donnée met constamment l’accent sur son importance.

  • DMA – Digital Market Act - en favorisant une concurrence effective sur les marchés numériques, encourage la confiance,
  • DSA – Digital Service Act – en régulant la fourniture de service en ligne créé une nouvelle catégorie de « signaleur de confiance » qui serait une entité publique, semi-publique ou une ONG, qui signalerait des contenus illicites aux plateformes qui les diffusent,
  • DGA – Data Governance Act – en visant à gouverner les données en vue de leur utilisation veut augmenter la confiance dans les intermédiaires de données en renforçant les mécanismes de partage de données dans l’ensemble de l’UE.

Pour revoir le replay du webinaire : https://www.youtube.com/watch?v=4XgpU1nNlXYhttps://www.youtube.com/watch?v=4XgpU1nNlXY

À propos de la Chaire Valeurs et Politiques des Informations Personnelles https://cvpip.wp.imt.fr/accueil/

La Chaire se propose d’aider les entreprises, les citoyens et les pouvoirs publics dans leurs réflexions sur la collecte, l’utilisation et le partage des informations personnelles, à savoir les informations concernant les individus (leur vie privée, leurs activités professionnelles, leurs identités numériques, leurs contributions sur les réseaux sociaux, etc.) incluant celles collectées par les objets communicants qui les entourent (smartphones, compteurs intelligents, etc.).
 @CVPIP

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